L’année 2017 s’est révélée à la fois amusante, surprenante et pleine de promesses pour le développement de notre sport à l’échelon mondial. Portés par un enthousiasme légitime avec la Ryder Cup en France en ligne de mire, pourquoi ne pas se prendre à rêver d'une grande année du golf français ?
Chronique de Kristel Mourgue d'Algue, ancienne joueuse du Circuit Européen, co-éditrice du Guide Rolex des "1000 Meilleurs Golfs du Monde" et co-propriétaire du Grand Saint Emilionnais Golf Club : https://www.segolfclub.com/
Le mois de décembre marqua le grand retour du Tigre après neuf mois d’attente, à Nassau, aux Bahamas. Et quel retour ! Toute la planète golfique avait les yeux rivés sur ce génie incontesté, désireuse d’assister à l'un des plus grands comebacks de l’histoire du sport, après, notamment, quatre opérations du dos. Bien sûr le "Hero World Invitational" réunissait un champ restreint de 18 joueurs, mais 16 faisaient partie des 24 meilleurs golfeurs du monde…
Tiger Woods sait parfaitement qu’il lui faudra beaucoup jouer afin de retrouver du "momentum" et tenir la distance avec la jeune génération. Les analystes s’attardèrent longuement sur sa vitesse de balle (290 km/heure) qui, malgré ses 42 ans, se rapproche de celle des 20 meilleurs joueurs mondiaux et bien sur le fait qu’il ait réussi à jouer quatre jours de compétition d’affilé sans douleur. Cependant, la plus belle victoire est probablement celle de Tiger sur lui-même. Dès le début de la semaine, il afficha ostensiblement son bonheur "simple" de pouvoir rejouer au golf. Lui, d’habitude si formaté, qui a véhiculé pendant si longtemps cette image de "Mister Perfect" semble enfin en paix avec lui-même et tant pis s’il ne brise plus tous les records et notamment celui de Jack Nicklaus avec 18 Majeurs. Le sourire qu’arborait Tiger pendant cette semaine à Nassau, est peut-être le plus beau cadeau qu’il pouvait faire au monde du golf.
Avec le retour de Tiger Woods, des confrontations épiques avec la jeune génération sont à escompter. Les "jeunes loups" comme Jordan Spieth, Justin Thomas ou Rickie Fowler ont grandi en admirant TW à la télévision et ils ne rêvent que d’en découdre avec un Tigre qu’ils souhaitent au mieux de sa forme. Cette génération dorée de moins de 30 ans (sept des 10 meilleurs joueurs mondiaux ne les ont pas !) est d’autant plus attachante qu’elle véhicule une image idéale, accessible, athlétique et sportive. Ainsi une rivalité intergénérationnelle, unique dans l’histoire du sport, révélerait encore davantage la beauté de ce jeu.
Le jeu lent, la plaie du golf.
Certes, tout n’est pas parfait puisque le jeu lent demeure la plaie de notre sport. Néanmoins, avec le lancement en juin prochain du "Shot Clock Masters" en Autriche, le Circuit Européen démontre sa volonté d’aller plus loin dans sa lutte contre ce véritable fléau. Cinquante secondes seront allouées au premier joueur, 40 au second avec un arbitre attitré dans chaque partie, afin de chronométrer chaque coup. Un trois balles devrait, en théorie, rentrer au club-house en maximum quatre heures. En cas d’infraction, l’amende ne sera plus financière, ce dont la plupart se moquent, mais se traduira systématiquement en points de pénalité. Les professionnels endosseront alors pleinement leur rôle de modèle auprès des amateurs et notamment des jeunes.
Un bonheur n’arrivant jamais seul, le 11 décembre dernier les instances du golf mondial (le R&A*1 ainsi que l’USGA*2), ont décidé de mettre un coup d’arrêt à l’esprit délétère qui se propageait chez certains téléspectateurs. Ainsi les pleins pouvoirs sont de nouveau accordés aux arbitres des tournois professionnels et une pleine confiance est redonnée aux joueurs quant à leur intégrité. Il est à parier que l’épisode cruel auquel on a assisté, impuissant, lors du quatrième tour du Majeur "ANA Inspiration" avec l’attribution (à rebours) de quatre points de pénalité à la jeune prodige américaine de 22 ans, Lexi Thompson, pour une balle légèrement replacée vers l’avant sur le green, constitua l’élément déclencheur. Cela fait un moment que ces aberrations existent puisque dès 1987 l’américain Craig Stadler (le «Morse»), fut pénalisé pour avoir disposé une serviette au sol alors qu’il cherchait juste à ne pas se salir pour réaliser un coup à genou ! La règle devrait être peaufinée mais permet d’ores et déjà de décourager les esprits mal intentionnés.
Du côté des parcours, on peut célébrer un second Age d’Or de l’Architecture aux Etats-Unis qui semble faire des émules en Europe. Initié par les américains Bill Coore & Ben Crenshaw (Streamsong/Red en Floride, Sand Valley dans le Wisconsin) ou encore Tom Doak (Ballyneal dans le Colorado, Bandon Dunes/Old MacDonald en Oregon), on voit la résurgence de tracés naturels, plus courts et respectueux de leur environnement. Les golfeurs amateurs redécouvrent le plaisir de jouer pour se divertir et non plus pour se faire du mal ! Cette tendance architecturale coïncide avec les contraintes écologiques actuelles et la nécessité de valoriser son temps dans une société moderne.
Cette "renaissance" des parcours traditionnels et à taille humaine, moins coûteux à construire et à entretenir, laisse enfin espérer l’adoption d’une balle propre aux professionnels. Il n’y aurait alors plus besoin de construire des golfs "injouables" pour les amateurs ou de dénaturer des tracés d’exception (construits à une époque qui limitait les extravagances humaines !). Les amateurs continueraient de se réjouir des avancées technologiques tandis que les pros seraient contraints de favoriser un jeu d’adresse au détriment de la puissance. Tous les espoirs sont donc permis puisque le Directeur de l’USGA, Mike Davis, a déclaré en mars dernier que « l’équipement doit s’adapter aux parcours et non pas le contraire » (Golfchannel.com). Et la nomination en octobre dernier de l’ancien avocat floridien et vainqueur de l’US Amateur en 1975, Fred Ridley, à la tête d’Augusta National à la place de Billy Payne, pourrait signifier l’entame de négociations "diplomatiques" pour voir jouer le premier Majeur de l’année avec une balle spécifique.
Quant aux proettes européennes, elles méritent bien de s’allier avec leur homologue américain (LPGA) et le Tour européen masculin après avoir perdu sept tournois dans l’année pour un total de 15 compétitions en 2017 et un prize money d’environ 12 millions d’euros. Le Président Exécutif et le Comité de Joueuses seraient donc bien inspirés de revoir en avril prochain la nouvelle proposition dont compte leur faire part Michael Whan, le directeur du Circuit Féminin Américain, sur les bases d’une vision globale et inscrite sur le long terme. Fort de son bouillonnant dirigeant, le LPGA est devenu en quelques années un circuit mondial avec 34 tournois dans 14 pays annoncés en 2018 et une dotation de plus de 68 millions de dollars (contre 23 tournois et 40 millions de dollars quand il a repris les rênes en 2010). Cela créerait une nouvelle dynamique et permettrait aux européennes de bénéficier (enfin !) d’une couverture médiatique digne de ce nom.
Quant au LPGA, il sécuriserait davantage la Solheim Cup, les compétitions co-sanctionnées (Scottish Open, British Open, et Evian Championship) et gagnerait en swings déliés et personnalités engageantes…
Dans un monde merveilleux et certes quelque peu chauvin, la saison 2018 culminerait avec deux joueurs français dans l’équipe européenne, victorieux de la Ryder Cup en septembre prochain. Porte-drapeaux de notre sport, ils motiveraient l’acceptation du golf, discipline scolaire dans toute la France. Qu’il est bon de rêver un peu !..
*1 Royal and Ancient Golf Club of St Andrews
*2 United States Golf Association