Fini le temps où il fallait tout voir, l'important est aujourd'hui de bien voir. Le véritable luxe serait de prendre son temps pour profiter autant du chemin que de la destination. Le slow travel est un état d'esprit… durable.
> Le slow, un besoin planétaire.
. Farniente, dolce vita et Slow food nous viennent d'Italie où,décidément, la vie se veut plus douce. Carlo Petrini a lancé ce mouvement en 1986 pour redonner le plaisir de manger : produits locaux, goût, convivialité … Dans le slow le plaisir est aussi important que la préoccupation écologique ! Cette «Slow attitude» se décline aujourd'hui dans tous les domaines : mode, médias, sexe et… voyages. Il faut dire que le slow fait très envie : 77% des européens souhaitent ralentir leur rythme de vie (Etude IPSOS, mai 2011, « Slow, ou l'aspiration des européens à ralentir »). Pour Hartmut Rosa, philosophe et sociologue allemand, le slow n'est pas une simple mode ou l'envie d'un retour en arrière, c'est un besoin vital. Car à force de vivre l'accélération, nous ne percevons plus le présent qui s'enfuit, un peu comme du sable que nous essayons de retenir entre nos doigts. La conséquence ? Le stress ! Nous recherchons donc un tempo plus doux : l'heure des vacances hyperactives est finie. Or, à contrario de ce qui se passe en gastronomie, il n'y a pas encore de label pour le "Slow travelling", souvent victime de "slow washing".Visite guidée:
> Se déplacer "piano e bene".
. Dans un monde aux ressources limitées, aller plus doucement et moins loin est une réponse à la crise écologique. Mais pas seulement. Regarder le paysage, rencontrer d'autres voyageurs, sentir les kilomètres s'accumuler font parties intégrantes du plaisir. Le cheval, le train et le bateau font partie de l'ADN du voyage lent. Et cela n'a rien à voir avec une traversée de l'Europe en TGV ou une croisière sur un paquebot-usine ! Il faut de l'original, de l'authentique, du rare … En un mot du luxe ! «Nous ne sommes pas dans le voyage de masse mais dans du sur-mesure. Prenez un paquebot où à chaque escale des bus vous emmènent comme des moutons sur les lieux touristiques : cela n'a aucun d'intérêt. En Egypte, nous avons un petit bateau de 4 cabines qui permet de faire ce qu'il est impossible de faire avec des bateaux obligés de suivre des horaires : arriver avant ou après le gros des touristes sur les monuments. Nos clients doivent oublier les horaires.» nous explique Loïc Mathieu co-fondateur de Terra Mundi, agence spécialisée dans le slow voyage.
> Le voyage en train de luxe.
. Monter à bord du mythique Venice-Simplon Orient-Express, dont le seul nom est une invitation au voyage, c'est aussi oublier le temps à 70 km/h. Or, contrairement à d'autres secteurs du tourisme, les réservations progressent toujours. Pour le trajet historique Paris-Istanbul, il faudra même vous y prendre plus d'un an et demi à l'avance ! « Nous ne cherchons plus du tout à battre des records de vitesse, nous faisons même tout le contraire ! Nous proposons à nos voyageurs de prendre le chemin des écoliers. Ils savent quand ils embarquent et ils savent quand ils arrivent ! Entre les deux, je m'occupe avec toute l'équipe de faire le maximum pour qu'ils oublient le temps et leurs soucis quotidiens. Le trajet est pensé pour profiter du paysage. Pas question par exemple de traverser les Dolomites de nuit ! Bien-sûr, les voyageurs découvrent également l'art du voyage des années 20 : le raffinement, le service attentionné, les repas servis au wagon-restaurant … Souvent, les femmes ont du mal à convaincre leurs compagnons très actifs. A l'arrivée, ils sont les premiers surpris de n'avoir pas vu le temps passer » nous explique Bruno Janssens, directeur du train Simplon–Orient–Express.
> Vous avez dit TGL ( train à grande lenteur)
. Les amateurs du Transsibérien parlent aussi du temps qui file avec passion. « Les journées sont longues à bord, mais entre le rituel du Samovar (la grosse bouilloire russe), les repas, l'écriture, les parties de cartes, les apéros-vodka et l'observation du paysage, les journées s'envolent.» nous explique Marie-Françoise qui vient de relier Moscou à Pékin. Prendre son temps, n'est pas perdre son temps ! Le slow voyage est un état d'esprit qui n'exclut pas les voyages lointains nous explique Loïc Mathieu. « Partir en avion de l'autre côté du globe pour s'allonger pendant 7 jours au bord d'une piscine est un non sens, mais pourquoi se priver de découvrir l'Australie en mode slow à bord, par exemple, d'un train de luxe pour admirer les paysages contrastés de cet immense territoire ?" Dans ces trains pas de wifi ou même d'ordinateurs portables au wagon-restaurant « Les passagers peuvent travailler dans leurs cabines mais pas dans les espaces partagés. Le téléphone portable est aussi interdit au restaurant ou au bar car nous ne voulons pas que le stress du quotidien dérange les passagers. » précise Bruno Janssens.
> Digital Detox…
. Le portable nous a donné le don d'ubiquité et en même temps le don de nous faire déranger partout, tout le temps. Sans parler des mails que nous recevons en flux continu via nos «crack-berry »! On peut choisir d'éteindre ou préférer des lieux hors connexion pour les plus accros. Certains hôtels proposent même à leurs clients une petite cure de détox technologique. Pour vivre le temps à 100% ! «J'ai été très surpris au départ d'avoir des clients qui me demandaient de garder leurs ordinateurs et portables dans le coffre de l'hôtel pour ne pas être tenté de regarder leurs mails … Cela m'a poussé, en tant que directeur d'un spa marin, à proposer un service gratuit inédit : conserver pendant tout le séjour les appareils dans le coffre de l'hôtel. Les clients viennent chez nous pour déstresser donc il était normal de leur proposer de l'aide ! » explique Gilles Tatu, directeur du Spa Marin du Val André
> Et silence radio.
. Dans les villas cinq étoiles luxe de l'hôtel Star of the East à Zanzibar, le wifi peut être enlevé sur demande dans les chambres. Toujours dans cet archipel magique, un autre hôtel de luxe, The Residence Zanzibar, essaye d'encadrer la « connectivite aigüe »: seule la réception possède le wifi, une solution pour que les clients ne soient pas dans une atmosphère « business » avec des ordinateurs portables partout. Cette tendance digital-slow est certes balbutiante par rapport au prêt de joujoux technologiques dans l'hôtellerie de luxe mais cela n'a pas empêché l'Office du tourisme de Saint Vincent et des Grenadines de construire sa campagne de publicité pour le Royaume-Uni en janvier 2012 sur ce thème. Ils ont même édité un guide pour aider les clients à déconnecter ! « Il est très difficile pour nos clients, souvent chefs d'entreprise ou cadres supérieurs de débrancher. Mais il est vrai que l'œil tout le temps rivé sur son IPhone, on passe forcément à côté de beaucoup de choses. Sans parler du stress. C'est une composante du slow voyage encore embryonnaire mais, à mon avis, essentielle" ajoute le co-fondateur de Terra Mundi.
> Vivre le pays.
. The Residence Zanzibar propose de faire découvrir l'artisanat féminin de l'île, une sortie originale créée par l'hôtel pour partir à la rencontre de femmes qui font souvent vivre toute une famille.« Le slow voyage n'est pas réservé aux routards, c'est vraiment une question de mentalité. Il y a des clients d'hôtels de luxe qui ont la volonté de ne pas bouger de leur hôtel et d'autres qui vont mettre leurs moyens au service de leur curiosité. J'ai par exemple un client qui voulait visiter Pragues en mode slow. Il a donc pris un guide privé pour ne pas être obligé de se déplacer en groupe. Cela veut dire qu'il ne va pas partir aussi tôt que les autres pour se reposer et profiter de son très bel hôtel ; qu'il va aller dans des endroits plus confidentiels, par exemple en goûtant la cuisine de l'ancienne cuisinière du président Vaclav Vavel, ou en visitant un château moins connu mais avec une très belle vue sur le centre-ville… A l'agence, nous privilégions toujours les petites structures, les spécialistes, ceux qui nous aident à conseiller les adresses secrètes, celles que seuls les locaux connaissent ! » résume le co-fondateur de Terra Mundi.
> Ce qu'en pense le slow voyageur.
. Et que faites-vous quand vous n'avez plus l'oeil rivé sur votre portable ? Des activités plus créatives où l'humain est au centre de l'expérience ! Car le but du slow est de se fondre dans le pays. Le voyageur lent fuit les bains de foules mais aime les bains de culture. Pas pour enchainer les musées mais pour saisir l'esprit d'une ville ou d'un pays. Ne serait-il pas un peu snob ? Oui, si le snobisme est de ne rien faire comme les autres. Humaniste, il cherche les instants de poésie et de bonheur à travers un sourire, une vision esthétique, un événement local… Des expériences introuvables dans les guides touristiques. « Quand j'avais 23 ans, je suis partie faire du surf avec des anglais. Ils étaient de la banlieue Ouest de Londres et préparaient le carnaval de Notting Hill fin août. Ils nous ont proposé de monter avec eux sur le char. C'était très généreux de leur part car nous n'avions pas préparé nos costumes et nous cassions un peu l'harmonie de l'ensemble. Ce furent deux jours très forts où je compris l'essence du carnaval ! Je descends aujourd'hui dans de très bons hôtels mais je peux choisir de les quitter si l'ambiance est trop aseptisée. Et si je ne refais pas le monde avec des locaux, je n'ai pas l'impression d'avoir voyagé ! » nous explique Henry, 45 ans, chef d'entreprise.
Un petit slow ?
. Les hôtels de luxe ont compris cette envie d'authentique et proposent de plus en plus d'activités en lien avec la vie locale. A Messinia, dans le Sud-Ouest du Péloponnèse, Costa Navarino accueille deux hôtels de luxe – The Romanos, a Luxury Collection Resort et The Westin Resort. Les clients ont été récemment invités à participer aux vendanges et pendant toute l'arrière-saison, ils pourront récolter les olives ou fabriquer du pain grec…Alors êtes-vous prêts pour partir en Australie et ne pas visiter la barrière de corail ou aller à Barcelone pour visiter les «Boquerias» sans jeter un œil sur la Sagrada Familia de Gaudi ?
Vous pouvez aussi choisir d'aller jusqu'au bout de la tendance slow et ne plus partir du tout! Outre-Atlantique, les «staycation» sont à la mode, histoire de partir en vacances de luxe chez soi. Après tout le voyage est un état d'esprit, et il peut commencer au coin de la rue !
(Lire: http://www.voyagerluxe.com/1338889853-spa-marin-val-andre4403.html )
Quelques liens utiles:
http://www.terra-mundi.com/
http://www.orient-express.com/web/vsoe_fr/venice_simplon_orient_express.jsp
http://www.theresidence.com
www.costanavarino.com