La Catalogne est une terre créative. Ses paysages inspirent les artistes, sa culture les nourrit de liberté. Le corps et l'esprit Catalan, ce terroir singulier, ont donné au monde un Gaudi, un Miró, un Pau Casals ou un Picasso. Et cette bienheureuse alchimie recèle bien des surprises. Suivez les traces de ces génies…
> Reus et Gaudi
. Osez délaisser les plages de la « Costa Daurada » et partez vers Reus, une petite capitale de province, riche d'avoir fait le commerce du « vermouth » et de l'huile d'olive. Antonio Gaudi (1852-1926) est né dans cette ville bourgeoise. Etrangement, il n'y a jamais dessiné de bâtiment et sa maison natale, reste banale. Pourtant, pour tous les amoureux du Modernisme (le nom donné à l'Art nouveau en Catalogne), Reus reste une étape incontournable avec 27 édifices remarquables. Tout se passe autour des balcons, et des fenêtres où signes de propriété se disputent la place aux hydres ou autres animaux mythologiques … Le célèbre Luis Domènech i Montaner (1850-1923) en a construit quatre dont la Casa Navàs (1901-1907) avec ses mosaïques, ses sculptures, ses vitraux et ses céramiques.
> Le centre Gaudi.
. Antonio Gaudi a déjà beaucoup travaillé pour la bourgeoisie quand l'Art nouveau se répand en Europe. Ses audaces architecturales s'inscrivent pourtant dans ce mouvement dont il est une figure mondiale. Au Centre Gaudi, sur la très belle place Mercadal, vous avez rendez-vous avec ce génie qui cherchait à rendre vivant le lien entre l'artisanat et l'art. Gaudi a néanmoins déclaré qu'il ne souhaitait pas innover, il était par exemple amoureux de l'art grec et du style mudéjar, propre à l'Espagne musulmane. Mais avant tout, il admirait l'art gothique.
> Le gothique naturaliste, selon Gaudi.
. La création la plus grandiose d' Antonio Gaudi, mystique et novatrice reste la Sagrada Familia. Gothique à la base, il l'a entièrement renouvelé par sa liberté de traitement naturaliste « concevoir de manière que la construction soit l'expression des forces qui agissent en elle ». Fervent croyant, la sensualité que ces courbes suggèrent, est celle d'une nature féconde créée par Dieu : animaux et croix, os et branches, vagues et montagnes. A travers ses célèbres formes géométriques, très différentes de celles utilisées par les autres architectes, il s'inspire directement de la nature.
> Miró et Mont-Roig.
. En 1911, Miró (1893-1983) a 18 ans quand il arrive en convalescence dans le mas de Mont-Roig, dans la campagne catalane, au Sud de Barcelone. Aujourd'hui, on parlerait de dépression : son père s'oppose à sa vocation. Loin de lui, il va se régénérer au contact d'une nature encore sauvage. Promenades jusqu'à la mer à quelques kilomètres, grimpée jusqu'à l'ermitage de la « Mare de Déu de la Roca » cette montagne rouge, tellurique, qui donne son nom au village et dont l'ermitage sert de guide aux marins, encore aujourd'hui. Le peintre se lie avec les métayers qui regardent ce jeune monsieur et ses pinceaux avec une bienveillance curieuse. En 1912, son père accepte enfin sa vocation et Mont-Roig jouera désormais un rôle quasi magique pour Miró qui, chaque été, viendra se ressourcer au contact de la terre de Catalogne.
> Le centre Miró.
. En 1918, l'étonnante période «détailliste», s'achève sur La Masia (1921-1922), cette fascinante leçon de choses achetée par un Hemingway enthousiaste. Cette œuvre poétique et fondamentale, vous la comprendrez avec Irene Oechsle, la passionnante directrice du centre Miró. Grâce à elle, les formes du maître s'apprivoisent, les étoiles, les soleils ou les animaux prennent racines dans la nature de ces années de liberté. Irene vous montre les signes, le goût de Miró pour les chiffres impairs ou pour le «bâton de danseur» de l'Aloe mourant … Ce petit musée situé dans une ancienne chapelle est construit autour de facsimilés, seule l'immense tapisserie est originale. Mais qu'importe quand vous avez accès aux clés pour interpréter le paysage nourricier du peintre. Et, à votre tour, laissez-vous nourrir par la nature : huile d'olive de dénomination d'origine Siurana, gâteaux à la farine de caroube, vins solaires … La slow food est de plus en plus présente en Catalogne et l'itinéraire Paysages des génies fait la part belle aux produits du terroir.
> Picasso et La horta Sant Joan, communion avec la nature.
. Lui aussi arrive malade chez son ami Pallarès. Pablo Picasso (1881-1973) a 16 ans et la scarlatine, il est déprimé, sa famille ne voulant plus le soutenir financièrement. En suivant son ami des beaux-arts dans son village natal, il va découvrir la nature dans une sorte de rituel initiatique. Dans cette région vallonnée d'une beauté picturale, où les montagnes forment un arrière plan grandiose aux champs d'oliviers toujours verts. Il faut apprendre à survivre à cette nature sauvage et Pallarès initie le très urbain sévillan aux règles d'une vie simple et rude. Pendant l'ascension de la montagne magique Santa Barbara, alors qu'ils dorment dans une grotte, ils décident d'aller vers Els ports, la chaîne de montagne. L'envie de communier avec la nature est au cœur de ces semaines rythmées par la peinture entre juin 1898 et février 1899, avant la période bleue. «Nous sommes convaincus que Horta fût pour Picasso, durant toute sa vie, le Paradis perdu» explique le spécialiste du peintre, Palau i Fabre.
> Le centre Picasso
. Quand Picasso revient à la Horta en 1909, il est accompagné de Fernande Olivier. Il habite à l'Hostel del trompet, en plein centre du village, sur la place de la Misa et peint dans un atelier prêté par son ami le boulanger. Nous sommes loin de Barcelone et Fernande qui ne parle ni catalan ni espagnol, apparaît, aux yeux des villageoises, extravagante. Elle est malade, et se sent délaissée par le « maestro ». Pourtant, il va lui rendre un singulier hommage dans le tableau « Tête de Fernanda sur fond de montagne» : on ne retrouvera jamais une telle union entre paysage et femme dans son œuvre. Vous la retrouvez dans ce musée municipal qui met en lumière l'importance de la Horta pour le jeune Pablo à travers de nombreux dessins et tableaux en fac-similés. Des originaux ? En parcourant les ruelles de ce beau village figé dans le temps, naît le sentiment que les habitants conservent encore quelques secrets dans leurs greniers.
> Pau Casals et El Vendrell.
. La terre catalane, a été le théâtre de la bataille de l'Ebre en 1938. Ces cent quinze jours sanglants ont définitivement changé l'histoire de l'Espagne et la vie de Pau Casals (1876-1973). Pour ce musicien hors normes, épris de liberté, la guerre civile espagnole est une déchirure. Il arrêtera de jouer par solidarité pour les combattants et le peuple espagnol opprimé jusqu'en 1950, année du bicentenaire de Jean-Sebastien Bach célébrée à Prades où il s'est exilé. Il ne peut refuser cette fête, tant son nom est associé aux suites pour violoncelle du compositeur allemand auxquelles il a insufflé la vie ! « Le cello » de Pau Casals, n'est jamais gouverné par les arpèges mais bien par l'extrême sensibilité du maître dont l'archet révolutionne la pratique de l'instrument. Si son père, musicien, lui apprend les instruments très jeune, sa mère est celle qui lui apprend la paix. Née à Porto Rico, Pilar a vu sa famille se battre et mourir pour l'émancipation des esclaves et elle a gardé ses convictions, une fois rentrée à El Vendrell dont la famille est originaire. En cette fin XIXème siècle, où le poulailler à l'étage, sert de chauffage, vous parcourez les objets du quotidien et les instruments de l'enfant Casals dont la carbasseta, son premier violoncelle ! Dans l'église toute proche, se trouve l'orgue dont Pau Casals attendait impatiemment de toucher les pédales !
> La villa de la plage.
. Après la maison du bourg, la villa de Sant Salvador, siège de la Fondation Pau Casals, montre le chemin parcouru. Avec ses pièces lumineuses, son luxueux salon de concert pour les amis, cette chambre simple qui s'ouvre sur la Méditerranée, ce lieu invite au repos et à la joie après les tournées. Les agendas du maître, sur lesquels il note scrupuleusement les sommes gagnées pendant ses concerts, témoignent de son immense succès aux quatre coins du monde. En filigrane, à côté des partitions, des instruments ou de la musique du maître, c'est l'engagement de Pau Casals pour la liberté et la paix qui bouleverse le visiteur. En 1926, il fonde une association de concerts destinée à faire découvrir la musique classique aux travailleurs, l'Associació Obrera de Concerts et il adhère passionnément à la jeune République espagnole, proclamée en 1931. Dès 1933, il refuse de jouer dans l'Allemagne hitlérienne, comme il refusera de retourner vivre ou jouer dans l'Espagne franquiste. Les nations unies lui feront l'hommage en 1971 de la choisir pour composer avec le poète W.H. Auden, l'hymne à la paix. «La musique doit aboutir à quelque chose de plus grand ; elle doit faire partie de l'humanité. Le musicien est avant tout un homme et son attitude dans la vie a plus d'importance que sa musique», se confiait Pau Casals en 1952.
> Mémento Pratique
. La carte « Paysages des génies » vous permet pour 9 € d'accéder à tous les musées de l'itinéraire et vous fait bénéficier de promotions spéciales dans les établissements qui y collaborent. Vous trouverez aussi sur le site, de nombreuses bonnes adresses pour préparer votre voyage. Site : http://www.elpaisatgedelsgenis.cat/?idm=fr
Et aussi : www.costadaurada.es ; www.terresdelebre.org
Hôtel rural Les Capçades : Si vous avez l'âme d'un peintre, c'est le lieu idéal pour une retraite artistique. Les chambres sont grandes et confortables même si la décoration est peut être un peu trop moderne pour un mas centenaire… La piscine intérieure, les oliviers autour, les petits jardins, la cuisine … donnent à ce 3*, beaucoup de charme.
Restaurant Mas d'en Romeu: Pour ses Calçotades, une spécialité à découvrir Www.masromeurestaurant.es
Restaurant Mas del Cigarrer : Une institution dans la région ! Carretera de Bot à Horta
Restaurant Vermut Rofes : Dans une ancienne fabrique de Vermoth, à côté des immenses tonneaux, une cuisine goûteuse , simple et plutôt « Slow food » pour une excellente soirée.
C. de Sant Vicenç 21-23.