Au sud du Japon, fin mars, l’éphémère et l’éternité ne forment plus qu’un, le temps d’une floraison divine et dans la région du Chugoku, l’horizon vire au rose. De Fukuoka à Hiroshima en passant par Miyajima ou Hagi, promenade printanière à l’ombre des cerisiers en fleurs, à la recherche de trésors nationaux vivants.
> Fukuoka valse avec ses sanctuaires.
. Êtes-vous plutôt Tenjin ou Sumiyoshi ? À Fukuoka, huitième ville du Japon, dans les deux mille ans d’Histoire, on aime les mariages insolites et les alliances extravagantes. Bref, les centres commerciaux futuristes et design – Tenjin Chikagai – cohabitent avec les sanctuaires – Kushida, par exemple – et les temples multi centenaires. Balades souterraines à la recherche d’un jean hors de prix, promenade zen dans le sanctuaire Sumiyoshi, l’un des plus anciens du Kyushu, dédié à la divinité gardienne des marins, flânerie du côté des temples Shofukuji ou Tochoji, dans l’ombre d’une monumentale statue en bois de Bouddha, découverte du sanctuaire Hakozaki et de son jardin floral féerique : Fukuoka vaut bien qu’on s’y arrête un ou deux jours avant de repartir pour de nouvelles aventures dans le Chugoku voisin. Sachez que fin mars la floraison des cerisiers y bat son plein dans tous les parcs et jardins.
> De l’iode et des poteries.
. Sinon, êtes-vous terre ou mer ? La découverte du Chugoku vous permettra de le savoir enfin. Au nord de cette région méconnue, donc pas de corons, mais des poteries, la mer et Hagi. Cette ville-musée, construite dans le delta de la rivière Abu-gawa, se pose en capitale de la céramique. D’ailleurs, on vient de partout au Japon pour admirer les œuvres de quelques trésors nationaux vivants toujours vivaces et disposés à parler de leur art. Avant tout, pour s’initier aux subtilités de la terre cuite et des estampes japonaises, dont la célèbre Grande Vague de Kanagawa, d’Hokusai, rien de tel qu’une visite aux musées d’art Uragami et Kumaya. Vous saurez tout sur la céramique de Hagi « à la glaçure délicate et translucide blanche ou rosée et aux fines craquelures ». Une balade dans le quartier Jokamachi, notamment une visite de la maison Kikuya (1604), vous permettra de remonter plus loin dans le temps et les traditions japonaises.
> Carpe(s) diem…
. Et au milieu coule une petite rivière, l’Aiba, où s’ébattent des carpes multicolores. Le long des rives, des maisons anciennes. Ambiance zen pour journée de détente qui peut d’ailleurs se poursuivre vers la plage, à Kikugahama, au château féodal ou du côté du temple Toko-ji, le lieu de naissance de Shu014din, parsemé de « biens culturels importants »… En plus, la vue panoramique sur Hagi, depuis Dangoiwa, est sublime. Reposante, même. Un petit somme ? Shoin Yoshida veille en son sanctuaire, s’affaler n’est pas conseillé. D’autant qu’il faut reprendre la route, cap au sud direction la préfecture de Yamaguchi, vers Hu014dfu et Iwakuni pour, dans le désordre, déambuler dans un jardin merveilleux, prendre un thé servi par une « miko », traverser un pont étrange et visiter un drôle de musée…
> L’asile d’Hu014dfu.
. Face à une mer toute japonaise, que l’on appelle Intérieure, Hu014dfu, ville méconnue, moyenne et accueillante, qui vaut le détour, entre autres, pour son sanctuaire shintoïste fondé en 904, le Tenman-gu016b, l’un des principaux sanctuaires consacrés à Tenjin, forme déifiée de Sugawara no Michizane pour les intimes. Une petite contemplation s’impose, puis une autre vers le Temple Gokokuji, avant une promenade purifiante dans le jardin Morishi ; les cerisiers sont censés y fleurir vers le 2 avril… Prenez le temps de vous attarder dans le musée Mori qui offre un voyage dans le temps et les époques de l’Histoire nippone, ponctué de trésors nationaux. Fascinant. Un thé vert matcha dans la maison de thé Hoshoan ? Pause.
> Samouraïs et cerisiers.
. Encore plus pittoresque, toujours aussi méconnue, à découvrir absolument, Iwakuni, la petite ville qui abrite le pont Kintaï, tout de pierres et de bois revêtu, qui enjambe la rivière Nishiki. Une « passerelle » de 193 mètres qui vous mène, via ses cinq arches en dômes, tout droit vers le Japon féodal, le XVIIe siècle, les samouraïs… Ça tombe bien : au bout du pont se trouve le Musée d’art d’Iwakuni plein de céramiques, d’armures, sabres, masques, etc. utilisés par les seigneurs féodaux. On se croirait en plein milieu d’un film d’Akira Kurosawa. En tout cas, si vous êtes dans les parages le 29 avril, vous aurez peut-être la chance d’assister au « défilé des seigneurs Sankin-koutai » sur le pont, sans vous faire hacher menu. Il s’agit d’un festival bon enfant célébrant le pont Kintaï. Le tout en costume d’époque, mais le kimono, même à manches courtes, n’est pas obligatoire. Enfin, pour vous remettre de vos émotions féodales rien de mieux qu’une balade jusqu’au château d’Iwakuni perché au sommet du mont Shiroyama. Une vue sublime, des cerisiers en fleurs, le temps s’arrête…
> L’île fantastique et les daims collants…
. Alors que le sol commence à être parsemé de fleurs d’un rose extrême oriental, apparaît Miyajima, « l’île où cohabitent les hommes et les dieux », des centaines de daims à moitié domestiqués. Sans oublier le plus important, l’emblématique porte Ootorii vermillon qui se reflète dans la mer intérieure de Seto. Sur cette terre sacrée pour la religion shintoïste, un sanctuaire, Itsukushima, construit en 593 et classé au patrimoine mondial de l’humanité. Mieux vaut arriver tôt le matin car les bacs qui relient Miyajima au continent sont rapidement pris d’assaut par les touristes. On se presse, se bouscule parfois, pour mieux voir le torii en bois de camphrier laqué de vermillon qui affiche ses 17 mètres de haut depuis des siècles et des siècles. Perdez-vous ensuite entre les pavillons du sanctuaire d’Itsukushima, tous trésors nationaux, et sur pilotis. Si vous avez le courage, grimpez vers la pagode Goju-no-to du XVe siècle. Et continuez vers le temple bouddhiste Daishoin, situé au pied du mont Misen, la montagne sacrée que vous pourrez d’ailleurs gravir s’il vous reste du souffle.
> Hiroshima à l’épreuve du souvenir.
. En arrivant à Hiroshima, à trente minutes de route de Miyajima, on a le souffle court. Sans doute d’avoir trop voulu imaginer l’horreur et de voir la vie, finalement, épanouie. On cherche le « Dôme »,l’ancienne chambre de commerce, dans cette ville immense, moderne, chaleureuse. Puis, dans la foulée, le parc du mémorial de la paix, vaste, situé sur les rives de la rivière Ota, puis un musée et des souvenirs de ce 6 août 1945. Pour apprécier en silence, la croisière sur l’Ota est idéale, au départ de Kyobashi, juste en aval du « Dôme de la bombe ». À chacun son point de vue sur la ville… Avant de revenir à la vie citadine, faites un détour par le jardin Shukkeien : 4 hectares sortis tout droit du XVe siècle près de la rivière Kyobashi, avec étang et cascades. Frais et reposant. Avant de gravir le donjon du château, réplique de celui du XVe siècle détruit en 1945. Belle vue sur Hiroshima, mégapole désormais enfiévrée, accessoirement capitale des yakusas et patrie des célèbres okonomiyakis, omelettes divines à ne manquer sous aucun prétexte. Avant de quitter Hiroshima, un dernier regard sur le parc de Hiyajima, une colline plantée de cerisiers.
> Edo, le Parthénon, Picasso et des jouets.
. Cap à l’Est, vers Kurashiki, grande ville étonnante, à la fois moderne et musée. Kurashiki abrite un quartier préservé édifié au XVIIe siècle par les marchands Bikan. Dans cet écrin, des entrepôts aux murs blancs et aux tuiles vernissées noires, alignés de part et d’autre d’un canal bordé de saules pleureurs. Magnifique, surtout avec les cygnes, à la tombée du jour. Au beau milieu, une incongruité : une espèce de Parthénon grec, blanc, à deux étages. C’est un musée, celui des Beaux-Arts d’Ohara, plein d’écoliers venus en rangs admirer des Corot, Gauguin, El Greco, Rodin, Gauguin, Picasso… Féerique. Plus léger, un Musée des jouets japonais, capharnaüm anachronique et attachant, sorte d’atelier du Père Noël à la sauce nippone tenu par un personnage tout droit sorti d'un cartoon…
> Terre cuite, sabres, thé vert et fleurs.
. Des personnages singuliers, vous en rencontrerez pas très loin de là, vers Bizen-yaki, foyer d’une céramique brun rougeâtre originaire du VIe siècle. La petite ville abrite 400 artistes de dont cinq sont classés «trésors nationaux vivants». L’un d’entre eux, Mitsuru Isezaki est même désigné comme «détenteur d’un important patrimoine culturel intangible». Mieux vaut prendre un guide bilingue pour appréhender son art… ou se mettre au japonais intensif. Si vous souhaitez vous initier à l’art du sabre japonais dans l’atelier d’Osafune Bizen. Des forgerons, un maître, des étincelles…, là encore un guide interprète s’impose, ne serait-ce que pour dénicher cet atelier. Plus facile à trouver : le parc Korakuen, à Okayama, un des trois plus beaux du Japon, paraît-il. D’une élégance rare, romantique en diable et japonais jusqu’au bout des allées, l’endroit est émouvant comme un premier séjour à Kyu014dto. Encore une tasse de (vrai) thé vert sur les rives du lac intérieur peuplé de carpes éléphantesques, un dernier regard sur les arbres en fleurs, puis direction Osaka pour le retour…
> Préparer son voyage.
Y aller:
Fin mars début avril, c’est le printemps. Une saison calme et des prix encore assez doux.
Dormir: à Hagi, Ryokan Hagi Honjin. À partir de 180 euros la nuit. www.japanican.com
À Miyajima, Miyajima Seaside Hotel, à partir de 100 euros la nuit. www.gambo-ad.com/english
Ryokan Kurayado Iroha, à partir de 526 € www.japanican.com/ryokan/hiroshima_miyajima
À Hiroshima, Rihga Royal Hôtel. À partir de 100 € la nuit. www.rihga.com
À Kurashiki, Kurashiki Kokusai Hôtel. À partir de 75€ www.kurashiki-kokusai-hotel.co.jp
Bien manger:
À Hiroshima, restaurant Teppanya Benbe, dans le quartier d’Hachobori, à Hiroshima.
À Kurashiki, restaurant Kurashiki-no-yado Higashimachi, 2-7, Higashi-machi, Kurashiki city, Okayama.