Manille, surpeuplée, chaotique et polluée, cultive les superlatifs, paradoxes et bizarreries. D’un côté, la capitale des Philippines rebute, de l’autre, elle ensorcelle. Visite d’un monstre à deux têtes, boule à facettes, surtout le soir venu.
> Mémoire virtuelle.
. Vue du bord de mer, Manille est encore un vrai port. Elle l’a toujours été, ou presque. Utilisé par les marchands chinois, japonais, malais, arabes, indiens, l’endroit est conquis par les Espagnols en 1571. Entre 1762 et 1764, Manille est occupée par les Anglais, puis par les Américains dès la fin du XXIe siècle. Bref, une terre d’Histoire !Qu’en reste-t-il ? Un havre de paix, en partie détruit par les Japonais pendant la Seconde Guerre mondiale, mais désormais reconstruit à l’identique: Intramuros. Coincé entre Chinatown (Binondo) et Rizal Park, niché le long de la rive méridionale du fleuve de Pasig, ce quartier fortifié de 64 hectares reste propice à la promenade à pied. On conseille de s’y balader entre une et deux heures en quête d’églises colorées comme la cathédrale de Manille et San Agustín, de couvents ou d’écoles (Universidad de Santo Tomás, Colegio de San Juan de Letran…). Si vous avez le temps, empruntez le chemin de garde sur les murailles, au sud d’Intramuros. Jolie vue sur le green du Golf Club Intramuros qui s’étend de l’autre côté des murailles. Anachronique…
> Points de vue et hallucinations…
. Cap sur les trottoirs de Manille. Pas grand monde à l’arrêt : Manille est une ville qui pousse ses habitants à remuer dans des artères pleines de caillots… Donc pas beaucoup de trottoirs mais des jeepneys partout. Ces taxis collectifs imitant la jeep américaine font la loi sur le bitume, accompagnés de leurs poissons pilotes, les tricycles ou sidecars, «trike » pour les intimes. Ça pétarade, fume, klaxonne, l’anarchie est dans la rue. Enfin presque. Car ce qui semble être un chaos indescriptible passe, aux Philippines, pour une fatalité. Soit on s’insère dans le flux, les flots, soit on prend un peu de recul, voire de la hauteur. Du côté d’Alabang à 13,8 km au sud de l’aéroport Ninoy Aquino, se dresse la Vivere tower. Rien de spécial sinon un hôtel siglé luxe et une terrasse aérée perchée au 31è et dernier étage. Un joli bar, le Sky Lounge, une piscine qui paraît se jeter dans le vide: détente assurée. Le regard porte loin vers le nord. À gauche, la baie de Manille, immense et bleutée. À droite, Laguna de Bay, le plus grand lac de l’archipel et 3è plus grand lac d’eau douce d’Asie du Sud-Est… Un géant de 911 km2. De là, la ville semble infinie, la mer pacifique et le lac agité. En tout cas, un premier contact sans risque avec Manille, assez loin pour n’être encore qu’un paysage de carte postale bigarré, mais un brin abracadabrant.
> Mais où est passée Chinatown ?
. Vous avez le choix: y aller à pied depuis Intramuros ou prendre un tricycle. Les deux sont assez rock'n'roll. Mais un passage par Chinatown s’impose, histoire de vous plonger encore un peu plus dans l’Orient version Tintin et le Lotus bleu. Vous traversez la rivière Pasig direction Binondo. Là, tous les chemins mènent en théorie à la fameuse Binondo Church, alias Minor Basilica of St. Lorenzo Ruiz. Construite au XVIe siècle, détruite au XVIIIe par les Anglais, reconstruite au XIXe, elle vaut le coup d’œil, surtout l’intérieur. Vous pourrez ensuite en faire le tour et vous enfoncer dans un quartier enfiévré, pas franchement chinois, pas vraiment philippin. Les deux, pour certains… Loin des Chinatown que l’on connaît sur d’autres continents. Pour en percer tous les secrets: un guide vous fera goûter au joies du quartier pendant 3 heure et demie. Avis aux amateurs. Peut-être irez-vous jusqu’à Quiapo voir une église mythique où l’on vient adorer le Nazaréen Noir…
> Bucolique façon iode à la joie…
. Rien ne vaut un petit tour à Rizal Park, plus au sud, en descendant vers Ermita et Malate, quartiers chauds qui se dopent à l’air du large. Un parc immense, près de 60 hectares. Vous y trouverez des jardins chinois et japonais, des familles venues en nombre admirer le coucher du soleil, un monument à la gloire de l’écrivain José Rizal, héros de la révolution philippine, gardé par deux soldats d’apparat. Non loin de là, juste en face même, Parade Avenue où le président Marcos, sauveur pour les uns et dictateur pour les autres, incitait ses troupes à défiler. Restent les tribunes. Derrière, la mer, le large. Installé sur une jetée, un restaurant, le Harbor View. Dans l’ombre de l’imposant hôtel H2O, bien ancré sur ses pilotis, le Harbor View reste le rendez-vous des jeunes couples Philippins en mal de romantisme iodé. Vue imprenable sur la baie de Manille. Cuisine simple et bon marché pour un lieu d’exception en pleine ville mais en marge du chaos…
> Drôle de dame !
. Pendant un bref instant, la circulation faiblit, le jour passe en mode nuit, Manille scintille et l’horizon pâlit, rose bonbon. La mégalopole embrumée semble retenir son souffle, coucher de soleil sur la baie, puis la nuit enveloppe le tout. Manille exhale, de temps en temps, quelques bouffées de poésie. C’est fugace, limite insaisissable. Metro Manila, ses 10,8 millions d’habitants (au moins…) s’étire à perte de vue le long d’un océan que l’on oublie souvent. Les 14 villes qui se sont unies pour le meilleur et, surtout, pour le pire, forment un univers pas facile à pénétrer, parfois impossible à interpréter. Bref, le plus souvent, Manille reste une rapide escale avant de rejoindre l’une des 7.107 îles de l’archipel des Philippines…
> À voir, à faire à Manille.
. Dans le quartier d’affaire huppé de Makati, deux musées valent le détour lors d’une escale à Manille. L’Ayala Museum (http://www.ayalamuseum.org), pour tout savoir de l’Histoire des Philippines, et le Yuchengco Museum (http://yuchengcomuseum.org/) qui donne la parole aux artistes philippins d’origine chinoise. Étonnant. Un grand classique, la visite du fameux "The Presidential Museum and Library", le Malacañang Palace(http://malacanang.gov.ph). Sur réservation uniquement.
> Extramuros:
Au large de Manille, à 48 km, Corregidor Island est un endroit stupéfiant, une île gruyère percé de tunnels et de caches où les Américains ont tenu tête aux japonais pendant la bataille des Philippines (1941-1942).